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GENÈSE ET SYNOPSIS

Dead Rising 
Sortie européenne : 8 septembre 2006


"Ca t'branche, on s'en paie une tranche ?" 


Mi-2005, la nouvelle tombe : Capcom et Microsoft ont scellé un partenariat pour produire un beat 'em all se déroulant dans un mall rempli à ras bord de zombies.
L’analogie inévitable avec le chef d’œuvre de Romero, Dawn of the Dead, entraine alors une incroyable effervescence sur les forums, notamment quand les premiers screenshots tombent : ce ne sont pas des dizaines, mais des centaines voire des milliers de zombies qui infestent les lieux et l’ambiance visuelle est aussi oppressante qu’alléchante.
A la tête du projet, un certain Keiji Inafune (Street Fighter, Megaman, Onimusha, Resident Evil 2… excusez du peu) qui décide de procéder au développement du jeu dans un studio spécialement crée pour l’occasion aux Etats-Unis.
Sa vision est claire : le héros doit se démarquer de l’habituel eugénisme politiquement correct caractérisant très souvent les personnages de JV. Frank West, photographe à la recherche de scoops bien baveux, n’est ni un modèle de vertu, ni un beau gosse. A des années lumières des androgynes aryens crées par Tetsuya Nomura...
Le choix d’un studio américain s’illustre parfaitement dans la politique de Capcom de l'époque : anticipant un ralentissement du marché domestique relativement aux deux autres gros (les Etats-Unis et l’Europe), le géant Japonais veut s’ouvrir à l’international, quitte à sacrifier un peu ses ventes chez lui.
Le pari est dans l’ensemble réussi, le jeu devenant en fin 2006 million seller et bénéficiant d’un certain succès d’estime de la part des joueurs et de la presse (85% au Metacritic). 

Une liberté étouffante

Frank West est largué sur le toit d'un mall en hélico et se voit offrir la liberté d’y faire ce qu’il veut pendant 72 heures du jeu, soit 6 heures réelles. Cette liberté absolue contraste pourtant avec la terrible oppression et la claustrophobie provoquées par la surabondance de zombies sur notre chemin (agoraphobes, s'abstenir). Heureusement, les possibilités d’éliminer du zomblard sont nombreuses : on peut utiliser la plupart des objets trouvables dans le mall et ses nombreuses boutiques ou restaurants.

De la crosse de hockey au pommeau de douche en passant par le pot de peinture, la peluche géante, l’épi de mais, la tondeuse à gazon, les petits pois congelés, la hache, le sabre laser en plastoc rose, le shotgun, la chaise, l'extincteur, le coupe-haie, la casserole, la bouteille de jus d’orange, la tronçonneuse ou des dizaines d’autres objets qu’un mall peut comporter...
Certaines de ces armes ne sont là que pour "humilier" le zombie, d'autres se révèleront plus efficaces qu'elle en ont l'air (notamment les manequins des magasins de vêtements), la résultante finale sera souvent la même : du sang partout, sur le sol comme sur les murs.

Le jeu s'illustre sur un point particulier qui fait à fois sa force tout en alimentant les critiques de ses détracteurs : son système de sauvegarde. Pour une question de volonté d’immersion du joueur, le titre ne comporte que très peu de points de sauvegarde (comme un canapé ou des chiottes) et il est impossible d’en avoir plus d’une à la fois, obligeant à toujours écraser la précédente.
Avec un tel principe, on est obligé d’assumer durant l’intégralité de sa partie les choix qu’on a pu faire, et de réellement s'auto-discipliner. Dans un jeu aussi stressant et surchargé en objectifs, avoir une sauvegarde unique oblige à peser les conséquences de tout ce qu’on peut y faire (ou ne pas faire, justement).
C'est ici qu'entre en compte une des principales qualités du titre : son replay-value. A la fin de chaque partie, on conserve tout l'XP acquis ainsi que certains objets débloqués (tenues ou armes). Le jeu est en apparence trop complexe pour qu'on puisse tout y réussir en une seule session, il faudra donc répartir ses objectifs sur plusieurs tentatives. Il est néanmoins possible de complèter en une partie toutes les missions et d'escorter tous les survivants hors du centre, mais ceci nécessite une précision et un timing absolu dans l'intégralité de ses actions. En terme de game-design, aussi farfelue que puisse paraître cette comparaison, ce n'est pas sans rappeller les Super Mario Bros qui étaient finissables en "faisant confiance au design du jeu", c'est-à-dire en fonçant quasi aveuglément à travers les niveaux en profitant de la perfection de leur règlage.


Le gameplay de Dead Rising est une résultante hybride de plusieurs genres : une base de beat 'em all classique, de survival-action (l’utilisation des armes à feu est proche de celle d’un Resident Evil) saupoudrée d'éléments de RPG (présence d’XP et de nouvelles compétences qui se débloquent), avec un véritable coté "bac à sable"  un peu GTA-like. L'analogie avec un GTA n'est d'ailleurs pas innocente, dans la mesure où le comportement du joueur peut y suivre des tendances similaires : on alternera entre des séquences disciplinées et axées sur la résolution des diverses missions ou escortes de survivants, et de véritables sessions "amok" destructrices durant lesquelles on aura aucune envie autre que tuer de manière frénétique ces hordes de carnivores apathiques, souvent de la manière la plus violente ou humiliante possible.


Des idées sanglantes

Dead Rising est clairement un des jeux les plus gores de ces dernières années, ce qui lui a valu une interdiction dans une petite dizaine de pays, dont évidemment les deux gros habitués de la censure vidéoludique : l’Allemagne et l’Australie.
Pourtant, s’il est un point où le jeu est réellement violent, c’est bien au niveau de son fond, tant ses thématiques prolongent celles ouvertes par Big George en 1978 : un portrait acide d’une société américaine consumériste, inculte voire raciste.
Dans le film, les zombies convergeaient vers le mall en raison du conditionnement social qui les "obligeait" à fréquenter ce lieu. Le jeu reprend ce principe en y ajoutant une myriade de détails (les zombies déambulent dans les rayons alimentaires sans même savoir ce qu’ils y font, poussant parfois des caddies vides) et un scénario qui, sans que je spoile trop, tourne autour d’une "solution cherchée par le gouvernement américain pour régler le problème de la surconsommation de viande de l’Américain moyen".
On retrouve aussi de grands moments cyniques post 09/11 avec cette stigmatisation manichéenne de la notion de terrorisme par le gouvernement US, représentée ici par un professeur Barnaby qui dit qu’il ne faut pas chercher la rationalité chez un terroriste, le genre de propos qui auraient pu sortir tout droit d'un communiqué de presse de la Maison Blanche.
Les défenseurs du droit-constitutionnel-à-avoir-une-arme-à-la-maison-pour-se-protéger-d’un-gouvernement-tyranique en prennent aussi pour leur grade, avec notamment la famille de snipers psychopathes (un père et ses deux fils) qui justifient leur attaque de tout survivant dans le mall par un magnifique "Having guns is a God gift made to americans. We have to use it". Vive le port d'armes...

C'est probablement sur son aspect idéologique que le jeu est le plus sous-estimé et il est vraiment intéressant d'en explorer chaque recoin pour mesurer à quel point ces thématiques ont été chères a Inafune dans le pilotage de la production de cette oeuvre assez unique dans son genre.

JOUABILITE

On reprochera au jeu, à l’instar d’un Resident Evil, de ne pas pouvoir viser en mouvement avec une arme à feu. Pour le reste, c’est précis et ergonomique, notamment les différents skills.

GRAPHISMES

Prenez une ambition graphique gigantesque pour son époque (les débuts balbutiants de la 360), notamment en terme d’affichage multiple (des centaines de zombies à l’écran sans clipping) et une réalisation technique digne des plus rigoureux contrôle qualité de chez Nintendo (baisses de framerate inexistantes dans le jeu), vous obtenez un véritable exploit graphique sans équivalent encore aujourd’hui dans ce genre.

BANDE SON

Entre les musiques d’ascenseur des différentes parties du mall (qui contrastent avec la violence du jeu), le metal bien gras de l’affrontement des psychopathes, et des bruitages absolument dégoutants pour des divers actes de barbarie qu’on peut commettre sur les zombies (mention spéciale à l’arrachage de tripes ou aux coups de boule de bowling sur le crane), l’ambiance sonore est un des fondements majeurs de la qualité du titre.

DURÉE DE VIE

Celle-ci déprendra beaucoup de l’acharnement que le joueur voudra mettre en œuvre. En théorie, on finit le jeu en 6 heures, mais le nombre de différentes fins et de d'objets à débloquer risque de faire recommencer le jeu une bonne dizaine de fois, sans compter le mode survival d’une difficulté très relevée.

THE VERDICT

Chaque partie de Dead Rising est totalement différente et au gré de ces infinies redécouvertes, le plaisir de jeu reste inchangé, faisant de ce titre un véritable OVNI de son genre dont la partielle incompréhension par les joueurs ne fait que catalyser le caractère culte.

Un véritable chef-d’œuvre.




          18/20



                                                                                                                                                        ZARGHATT